Nous partageons le texte de Jean René MARSAC, ancien élu municipal de Redon et député PS de 2007 à 2017.
Sa réflexion éclaire la question de la gestion territoriale de l’hôpital et de la démocratie sanitaire.
"J'ai siégé plusieurs années dans le conseil d'administration du centre hospitalier polyvalent de REDON, avant que la Loi Bachelot supprime l'administration locale au profit d'une direction hospitalière copiée sur le modèle de l'entreprise privée (un directeur nommé par le ministère, un directoire composé de cadres et un conseil de surveillance qui n'a comme pouvoir que de donner des avis !).
Député de 2007 à 2017 et impliqué dans un groupe de travail sur la reconstruction de notre hôpital depuis 2018, j'ai vu les effets de cette dépossession du pouvoir local où, de fait, personne ne se sent en pleine responsabilité de la pérennité de l'hôpital : des élus locaux qui se pensent sans pouvoir (certains s'accrochent, d'autres beaucoup moins!) ; des directions qui, par définition, bougent fréquemment en fonction des plans de carrière ; des médecins eux-mêmes de plus en plus souvent de passage pour quelques années (sans compter les services qui reposent essentiellement sur des médecins en intérim).
La création des Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) en 2016 a eu de bonnes intentions en matière de parcours de soins, de partage de postes entre des CHU et des pôles d'équilibre, de recherche d'économie d'échelle dans des politiques d'achats et services supports mis en commun...... Mais c'est aussi une dilution supplémentaire des responsabilités et une centralisation qui rajoute de la lourdeur et de la lenteur (sur les commissions d'appel d'offres par exemple).
Visant les politiques régionales, je ne traite pas ici de la tarification à l'acte (T2A) introduite progressivement il y a une dizaine d'années et qui a pénalisé plus fortement les hôpitaux polyvalents (avec chirurgie, maternité, urgences, médecine, radiologie, soins de suite.....) que les CHU ou que les hôpitaux de proximité (ayant 1 ou 2 services seulement). Ce mode de financement doit absolument être refondu ; il faudra en faire un débat pour les élections nationales de 2022
Au total, la politique libérale (recherche d'économies dans la dépense hospitalière) a amené à créer une chimère : un hôpital qui est le service public le moins bien financé de tous les services publics, supposé piloté comme une "entreprise" mais sans aucune marge de manoeuvre (surtout pas sur ses tarifs !) et sans identification claire du décideur (la direction ? le GHT? l'ARS?)
Au sortir de la pandémie nous voyons bien que de très nombreux sujets vont devoir être revus en profondeur sur le fonctionnement hospitalier et dans la répartition des compétences. Nous en avons pour plusieurs années.
Pour l'instant, dans le cadre des élections régionales, trois sujets doivent être mis sur la table :
1) Continuons-nous dans le sens d'une technocratisation de la santé où plus personne n'a plus le sentiment de peser sur rien ? Les conseils régionaux peuvent relancer une politique sanitaire de territoire en y mettant plus de lisibilité, d'efficacité et d'égalité.
2) Est-il pensable de continuer à demander aux hôpitaux de financer eux-mêmes leurs investissements immobiliers alors qu'ils sont le plus souvent déficitaires (et donc sans réserve financière ni le plus souvent en situation de dégager un autofinancement) , avec seulement 25% de subventions de l'ARS ? Encore une fois aucun autre service public est aussi mal financé pour ses investissements ; même la SNCF fait subventionner ses gares et ses quais (parfois jusqu'à 80%) par des fonds publics ! Même les entreprises privées du très haut débit sont mieux subventionnées dans les territoires jugés peu rentables !!!!
3) Les Conseils Régionaux devraient pouvoir intervenir en soutien à l'investissement, au titre de la politique d'aménagement du territoire et parce qu'un hôpital est une véritable locomotive du développement local. En quoi une régionalisation de l'investissement hospitalier serait-elle moins justifiée que celle qui a été faite pour les lycées ? Dans la structuration des territoires, les hôpitaux seraient-ils moins prioritaires que les établissements scolaires ?
Que disent les programmes régionaux de tout cela ?"